Août : Le SPVM ne l’avait pas…
Avant d’aborder les nombreux sujets d’actualité, politique ou autre, qui retiendront mon attention au cours de l’année qui commence, mon lecteur, que je salue après une trop longue absence, me permettra un court retour sur deux événements qui ont marqué l’année 2014.
Mon billet du 30 juin dernier n’était pas tendre à l’endroit du SPVM dont je doutais de la compétence et du jugement tant en matière de contrôle des foules que d’application du Règlement P6, suite à une manifestation en face de l’Hôtel de Ville. Je jugeais aussi gênant et inapproprié le silence des autorités policières dans cette affaire. Les chefs de police ayant, semble-t-il, la mèche aussi courte que celle des politiciens en matière de critique, mon commentaire fut d’autant plus mal accueilli qu’il émanait d’un ancien responsable de la sécurité publique…
Les manifestants et les policiers ont remis cela le 18 août dans un indescriptible et inacceptable tohu-bohu. Des fier-à-bras, menés par les « hommes en noirs » que sont devenus nos hommes des casernes, s’en sont donnés à cœur joie dans la salle du conseil et le bureau du Maire sous le regard à peine intéressé de quelques confrères policiers qui nous rappelaient davantage les clowns du Cirque du Soleil que les gardiens de l’ordre public qu’ils sont censés être. La démocratie municipale, déjà mise à mal par les truands que l’on connait entre 2006 et 2010, battait de nouveau de l’aile ce soir-là. Pas beau à voir. Fureur attendue du Maire, des conseillers municipaux, du Premier ministre et de tous ceux qu’intéressent la chose publique et la démocratie.
Comme toujours, réseaux sociaux, commentateurs et politiciens pressés eurent tôt fait de simplifier en condamnant la « collusion entre syndiqués », accusant nos joyeux porteurs de culotte bouffante multicolore d’avoir fermé les yeux devant les agissements de leurs confrères d’infortune. Vous savez, ceux qui bénéficient de généreux régimes de retraite payés par l’immense majorité des travailleurs qui n’en ont pas et n’en auront jamais.
On se trompait. La réalité était tout autre ce soir-là. De collusion, semble-t-il, il n’y eut pas. Selon un rapport rendu public le 3 décembre dernier, la direction du SPVM dormait tout simplement au gaz le 18 décembre 2014. Elle avait, entre autres, mal évalué la situation et mal anticipé les risques de débordement. Sans vouloir être mesquin, je dirai mon étonnement devant tant de laxisme et d’amateurisme, surtout après les événements de juin et face aux déclarations enflammées des dirigeants syndicaux. Le rapport souligne que la stratégie d’avoir des policiers pour contrôler les entrées aux portes de la Place Vauquelin n’a pas été exécutée telle que planifiée. Voici une manœuvre qui parait pourtant simple pour un corps policier qui se targue d’avoir contrôlé plus de 500 manifestations au printemps 2012. Mais passons. Puis, il a fallu, toujours de l’aveu de la direction du SPVM, attendre l’autorisation du CCTI pour faire entrer des policiers à l’intérieur, alors que des renforts immédiats eurent été nécessaires. Bref, le SPVM ne l’avait tout simplement pas, le soir du 18 août 2014.
J’ose à peine croire aux conséquences si l’événement, pourtant assez prévisible, avait été le fait de terroristes bien organisés. Le SPVM devra rapidement s’ajuster aux nouvelles réalités, celle-là même qu’il identifie comme des « formes de manifestations dépossédées de repères prévisibles », s’il veut conserver la confiance d’un public largement désillusionné par le comportement bouffon de trop de ses membres plus intéressés par l’action syndicale que la protection du public.
Marc Parent fait un excellent boulot à la tête du SPVM depuis sa nomination en septembre 2010. Heureusement, il laisse le plus souvent l’utilisation de la langue de bois à ses collaborateurs de l’information. Aujourd’hui, il admet clairement que ses hommes ont fait piètre figure le 18 août. Déçu, il ajoute ne pas en avoir été fier. Voilà des paroles courageuses dans les circonstances. Des mots qui ne le rendront certes pas populaire auprès de certains. Des mots qui devaient être dits pour sauver la réputation du service qu’il dirige et conserver, sinon regagner le respect et l’estime de la population.
Décembre : Un conseil docile à la STM
Impossible d’être d’accord avec la décision du conseil d’administration de la STM (ou plutôt, celle de l’administration municipale, pour ne pas dire celle du bureau du Maire) de mettre fin à l’emploi de son directeur général, monsieur Carl Desrosiers. Tant sur la forme que sur le fonds.
Sur la forme d’abord. Personne n’a cru le plutôt sympathique président du conseil d’administration quand il affirmait sans sourciller (il est vrai qu’il a beaucoup fréquenté Radio-Canada…) avoir lui-même pris la décision et en avoir informé le maire. Monsieur Philippe Schnobb ne possède ni l’expérience ni la personnalité pour exécuter ce genre « d’opération ». Clairement, monsieur Schnobb qui pouvait, je le conçois, être en profond désaccord avec son DG (ce sont des choses qui arrivent), obéissait en l’espèce à une commande de l’Hôtel de Ville. Les dirigeants municipaux, pour des raisons qu’ils devraient expliquer mieux que le président de la STM ne l’a fait jusqu’à maintenant, souhaitaient un changement de cap à la STM. Ils ont pris les moyens pour y parvenir.
Personne ne croira non plus qu’une chicane sur la présence ou pas de poubelles dans le métro explique le départ du directeur général dont la renommée mondiale forçait l’admiration de tous. On pourra cependant se surprendre ou se scandaliser selon son degré de tolérance au cynisme devant la volte-face du conseil d’administration qui avait unanimement confié les rênes de la STM à monsieur Desrosiers moins de deux ans auparavant.
Sur le fonds ensuite. Le président de la STM dit vouloir s’appuyer sur quelqu’un de « plus moderne » pour procéder à la rédaction d’un nouveau plan stratégique. La STM a-t-elle vraiment besoin d’un nouveau plan stratégique moins de deux ans après en avoir adopté un en 2012, qui devait la conduire jusqu’en 2020? On me permettra d’en douter. Un plan stratégique n’est pas un calendrier ou un almanach que l’on renouvelle chaque année. Le très docile conseil d’administration a, semble-t-il, oublié tout le travail qu’il a accompli, toutes les études qu’il a effectuées, tous les sondages auxquels il a procédé pour en arriver à son actuel plan de développement stratégique. Désireux de se maintenir les bonnes grâces de l’administration, il roule avec la vague. On a déjà vu mieux. Plusieurs de mes anciens collègues me déçoivent. Certains nouveaux membres ne m’impressionnent pas non plus. Pas fort, le conseil d’administration de la STM. La nouvelle direction, car il y aura plus qu’un nouveau DG à la STM, devra s’en méfier. Comme elle devra se montrer souple avec les gens de l’Hôtel de Ville. Sombres perspectives.
S’agissant de Carl Desrosiers, la STM et le transport collectif montréalais perdent un Grand. Carl a fait à la STM une glorieuse carrière de plus de trente ans, devenant, au cours des ans, l’un des grands spécialistes mondiaux en matière de gestion de métro. Président du conseil de la STM en 2006, je lui ai demandé, avec Yves Devin, nouveau directeur général, de refaire avec le réseau des autobus ce qu’il avait si bien réalisé avec celui du métro. Il a relevé ce nouveau défi avec brio et enthousiasme, acceptant avec détermination de laisser un poste confortable pour amener la STM dans de nouvelles directions en matière de transport par autobus. Je suis profondément convaincu qu’il aurait su trouver en lui et autour de lui les ressources nécessaires pour faire progresser encore davantage cette entreprise à laquelle il a voué toute sa vie si on le lui avait demandé en lui accordant la confiance qu’il méritait. Dommage qu’on ne l’ait pas fait.
Étrange façon d’amorcer une année dont on dit pompeusement qu’elle sera celle du transport collectif…