Les journaux, la radio et la télévision n’en ont aujourd’hui que pour le premier ministre élu, Justin Trudeau. C’est normal et correct. Je n’ajouterai rien à ce tsunami de mots, d’images et de paroles, ayant déjà commenté le résultat de l’élection en début de nuit, mardi.
Je veux simplement souligner quatre faits d’arme qui me paraissent mériter une courte mention tant ils sont représentatifs de ce qu’il y a de meilleur chez l’Homme : la capacité de rebondir, la ténacité, le sens du service citoyen et l’ambition d’apprendre et de se perfectionner. Valables et précieuses dans tous les domaines, ces qualités deviennent, dans le monde très dur de la politique, remarquables. Elles participent tant de la valeur des hommes et des femmes que de la noblesse de leur action.
Pablo Rodriguez a fait un travail de terrain dont il faut souligner la qualité. Emporté par la vague orange de 2011, il s’est remis à la tâche de reconstruire son parti au Québec, après avoir aidé Justin Trudeau à remporter l’investiture en 2012. Il a scrupuleusement poursuivi sa politique de présence dans son comté et partout où les libéraux le réclamaient. Son leadership, sa connaissance intime des rouages de son parti et son enthousiasme communicatif devraient lui ouvrir la voie d’une fonction ministérielle. Il mérite amplement de siéger aux côtés des Stéphane Dion et autres Mélanie Jolie.
Denis Lebel, réélu difficilement dans Lac-Saint-Jean, a fait, lui aussi, un remarquable travail de terrain à titre de lieutenant québécois de Steven Harper, sillonnant le Québec pendant trois ans, recrutant de très valables candidats dans la plupart des cas, peaufinant une organisation à l’origine plus forte sur papier que sur le terrain. Les nouveaux élus conservateurs lui sont redevables de leur victoire. Je n’aime pas Steven Harper et Denis Lebel me laisse indifférent. Je ne peux toutefois passer sous silence sa participation plus obscure à la vie de son parti. Le travail de terrain est nécessaire en politique.
Je ne partage pas, on le sait, la vision souverainiste de Gilles Duceppe. Quintessence de l’engagement au service de l’État et d’une idée, il n’a pas hésité à reprendre du service en dépit des risques qu’il encourait. Les bloquistes lui doivent les dix sièges qu’ils ont enlevés hier soir. Double drame, son énergie ne lui aura permis ni la défaite personnelle ni l’atteinte des résultats de 2011 en termes de suffrage populaire. Ceux qui croient que le Bloc a toujours sa place à Ottawa s’ennuieront de ce grand serviteur. La vie politique, faut-il le rappeler, est cruelle pour ceux qui s’y engagent.
La députée Ruth Ellen Brosseau, réélue dans Berthier-Maskinongé, doit son impressionnante victoire, une exception dans le bain de sang orange, à son travail d’implantation dans son comté, à sa détermination à bien représenter et comprendre ses concitoyens, de même qu’a sa volonté de s’en rapprocher en perfectionnant une langue oubliée depuis longtemps chez elle. Après une campagne loufoque en 2011, madame Brosseau, que je ne connais pas, a décidé d’honorer le poste qu’elle occupait et de respecter les gens qu’ils l’avaient élue. Elle est devenue une vraie députée. La victoire d’hier soir est la sienne, pas celle de son parti. Elle prend désormais rang aux côtés de ceux et celles, assez rares en politique, qui, transcendant leur parti, triomphent pour ce qu’ils sont. Mon ex-collègue Louise Harel, entre autres, était de ce nombre au Québec.