Curieux mots sous la plume d’un mordu de la politique, direz-vous. Je persiste et signe : il était plus que grandement temps que cette campagne que d’aucuns ont déjà qualifiée de « poubelle» prenne fin. Pas parce que monsieur Legault risque de dépasser madame Marois (on ne sait jamais avec nous, Québécois, grands amateurs de vagues, incontestables partisans du négligé), pas non plus, parce que monsieur Couillard est à quelques votes d’un gouvernement fortement minoritaire ou faiblement majoritaire. Non, simplement parce que le temps est venu de retrouver collectivement notre calme, de respirer un grand coup et nous parler de façon correcte.
Cela étant, voici un résumé de cette campagne (un autre…) qui restera pour moi exceptionnelle, tant par l’acrimonie qu’elle a dégagée que par la tournure imprévue qu’elle a prise.
MAROIS : quand la détermination perd le contrôle
Le PQ semblait posséder tous les atouts au matin du 5 mars dernier après une pré-campagne menée tambour battant à coup de centaines de millions de $$, fort d’une charte qui allait rassembler les francophones autour du parti , et sans doute en possession de sondages internes qui prédisaient sinon une victoire quasi certaine, du moins de très bonnes chances de former un gouvernement majoritaire. Impossible, dans ces conditions, de retarder une décision qu’on avait d’ailleurs reportée une première fois à la fin de l’automne.
Refusant de parler aux journalistes dès le départ ( ce qui les mit de mauvaise humeur, chose à éviter absolument en campagne électorale – voir manuel de politique 101), la chef du PQ connut ses premières difficultés en s’aventurant sans même y avoir été invitée, sur les sables mouvants de la question nationale en référant au passeport, aux frontières, etc. Quelques jours plus tard, la bombe PKP, qu’elle destinait à ses adversaires, PLQ en tête, lui éclata en plein visage. Le PQ ne s’en remit jamais. On eut beau invoquer l’intégrité, la charte, les baisses d’impôt, promettre lamentablement que si c’était à refaire, on ne répondrait plus à des questions sur le référendum, rienn e fit. Le PQ descendit, certes lentement, mais inexorablement dans les sondages, la base francophone sur laquelle il comptait tant se déplaçant du côté de la CAQ et de QS.
La visite de l’UPAC, le rôle obscur joué par monsieur Blanchette ont beaucoup nui au PQ qui eut du mal à démontrer que son linge était plus blanc que celui du PLQ. Erreur donc, que d’avoir monté le cheval de l’intégrité. Mauvaise défense de la charte. D’abord en ne se distançant pas suffisamment des propos de notre Jeannette nationale, ensuite en invoquant la possibilité de recourir à la clause dérogatoire, révélant ainsi que les études gouvernementales n’étaient pas aussi bétonnées qu’on nous l’avait dit.
Campagne de réaction, plan de match inexistant après les premières surprises du début de campagne. Malgré tout, à moins d’une improbable remontée qui se traduise en nombre élevé de comtés pour la CAQ, le PQ formera l’Opposition officielle. Comme je l’ai écrit en milieu de campagne, madame Marois a perdu son pari.
COUILLARD : un homme béni des dieux
La force de l’un est souvent issue de la faiblesse de l’autre. Ou encore, pour rester dans les platitudes, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Sans rien enlever au chef du PLQ qui a mené une bonne campagne, il faut aussi ajouter qu’il est béni des dieux.
Franc, direct, poli, respectueux, monsieur Couillard a passé les 33 jours de campagne à marteler un message simple : Non au référendum, non à la division des Québécois, oui aux emplois et oui nuancé à une charte plus inclusive. Certes, il a fait quelques erreurs, notamment en trébuchant assez lourdement sur la question toujours émotive de la protection de la langue française. Ne manquant pas une occasion de ramener la question nationale à l’avant-plan il a fait de cette élection une élection référendaire, du moins dans la première partie de la campagne. Pour paraphraser la candidate de QS dans Verdun, il a constamment rappelé que la nation québécoise n’appartenait pas au PQ. Bien difficile de lui reprocher d’avoir profité de la gaffe péquiste. Le PQ n’a t-il pas fait un peu de millage politique sur la gaffe libérale en matière linguistique. Reste que cette stratégie, au demeurant fort payante, n’a aidé en rien au développement d’un climat de relative sérénité.
Le chef du PLQ a gardé calme et dignité sous les salves répétées du PQ en matière d’intégrité. S’il faut en croire les sondages, l’affaire Porter et la question du paradis fiscal, toutes deux fort hasardeuses à soulever à mon avis, ne semblent pas avoir eu l’effet escompté par ceux qui les ont portées à l’attention d’un public déjà résigné à voir ses politiciens se vautrer dans une mer de boue.
Cette campagne libérale qui ne passera évidemment pas à l’histoire devrait être suffisante pour le ramener au Gouvernement. Reste encore à voir, au moment où j’écris ces lignes, si ce gouvernement sera majoritaire ou minoritaire.
LEGAULT : le miracle appréhendé
J’ai souvent écrit ici les réserves que j’entretenais et entretiens toujours à l’endroit de monsieur Legault et de la CAQ. Vaste refuge de ceux qui ne savent où aller, qui ne savent se décider, la CAQ est de ces partis politiques caméléons qui profitent des circonstances, qui vont et qui viennent, qui montent et qui descendent au gré des humeurs, du vent, des modes. Un jour, ils sont morts ou à-peu-près; le lendemain, ils ressuscitent, pleins de vigueur. Difficile de savoir où on en est et surtout où on s’en va avec eux.
Quoi qu’il en soit, monsieur Legault nous avait promis «la campagne de sa vie». En voici un qui a livré la marchandise, particulièrement au cours des 10 derniers jours. En fait depuis le deuxième débat, alors qu’il n’a fait qu’une bouchée de ses trois adversaires. Les électeurs qui disaient plus tôt en campagne ne pas se laisser influencer par les débats, ont été littéralement séduits et ont rallié la caravane caquiste en nombre suffisant pour mettre l’élection d’un gouvernement majoritaire en doute.
Monsieur Legault a dit des choses simples dans un langage cru, souvent vulgaire. Démagogue à souhait, il n’a pas craint l’hyperbole, les comparaisons ridicules (franchement, comparer son équipe à celle de René Lévesque en 1976), les promesses complètement farfelues, voir irresponsables (arrêter tous les travaux d’infrastructure, par exemple), annoncer une seconde Révolution tranquille, rien de moins (mais où sont donc les Lesage, Lapalme, Lévesque, Gérin-Lajoie…). Depuis quelques jours, l’homme est en feu, galvanisé, transporté, oserais-je dire hystérique. Non. Exalté.
Si sa spectaculaire remontée de la dernière semaine se traduit en victoires dans des comtés clé qu’il conserve ou qu’il enlève à ses adversaires péquiste et libéral, François Legault, s’il est élu dans l’Assomption, travaillera dans une autre opposition, officielle ou pas, d’une seconde Assemblée nationale minoritaire en 18 mois.
DAVID : la force tranquille de la conviction
Un mot en terminant sur la toujours sympathique et vraie Françoise David. Poursuivant avec ferveur son cheminement, défendant avec la conviction tranquille qu’on lui connaît, refusant de se laisser intimider par François Legault, ne répondant pas aux appels paniqués des péquistes en fin de campagne, Françoise David peut être fière de la campagne qu’elle et ses collègues ont menée.
La position de QS n’a guère bougé dans les sondages, se maintenant autour de 9 %, ce qui n’a pas empêché ce parti, vu sa concentration dans le Centre-Est de Montréal, de lutter farouchement dans quelques comtés et espérer ajouter à sa liste d’élus. Réussira-t-il. Cela reste à voir. Chose certaine, il a fait mal au PQ en accueillant des centaines, sinon des milliers d’électeurs déçus de la valse-hésitation de madame Marois sur la question nationale. En défendant courageusement sa position indépendantiste et en disant ouvertement qu’il tiendrait un référendum s’il était élu, QS est devenu le refuge des purs et durs de l’indépendance du Québec qui ont droit, eux aussi, à un parti qui représente leurs aspirations, même si ses chances de l’emporter lundi soir sont nulles.
Ce soir, mes prédictions, pour ce qu’elles valent!
Merci Claude pour tes commentaires intelligents et les références aussi pertinentes qu’utiles durant cette longue campagne. Ce fut un plaisir de te lire.
J’aimeJ’aime