Avant de me faire tomber dessus par ses partisans ou ceux, encore plus féroces de Projet Montréal, je répète que j’estime Jean-François Parenteau. Il fut, à mes yeux, un bon maire pour Verdun durant son premier mandat. Près de ses gens, présent partout, il est un homme de terrain, pas un visionnaire ni un intellectuel. Il présentait aussi, et de loin, la meilleure équipe au cours de la dernière campagne électorale, celle de Denis Coderre. Je ne doute pas qu’il saura s’acquitter fort honorablement de ses nouvelles fonctions au comité exécutif de madame Valerie Plante.
Sa décision soulève néanmoins plusieurs questions que j’aborde rapidement ce matin.
Les partis politiques montréalais
Réalité montréalaise depuis plus de 30 ans, les partis politiques sont régulièrement remis en question. Surtout quand on a besoin de justifier son adhésion à une coalition ou de siéger comme indépendant. C’est ce qu’a fait Jean-François Parenteau dans une note FB datée du 12 novembre en déclarant dépassé le concept de partisanerie politique. À croire, ainsi que le veut une rumeur persistante, qu’il savait ce que l’avenir lui réservait.
On dira aussi qu’Équipe Coderre n’a jamais été un véritable parti politique, mais une coalition autour d’un chef autoritaire et flamboyant et que quitter ce groupe une fois le chef battu pour poursuivre une carrière solo est tout à fait acceptable. Sans doute. Mais un fait demeure : Équipe Coderre était (et ce qui en reste est toujours) un véritable parti politique avec ses instances, son aile jeunesse, sa soirée-bénéfice, son caucus. Le quitter brusquement (certains diront brutalement) quelques jours après en avoir défendu les couleurs pendant plus de deux mois a de quoi surprendre et est de nature à ouvrir la porte à des spéculations de toutes sortes.
Se pose aussi la question de l’obligation morale de son engagement vis-à-vis ses électeurs, une fois l’élection tenue et le résultat connu. Difficile de départager tout cela, j’en conviens. Surtout au niveau municipal où on vote pour le maire de la ville, celui de l’arrondissement, un ou des conseillers de villes et, dans certains cas, un ou des conseillers d’arrondissements. Par exemple, dans Verdun, Valérie plante a battu Denis Coderre, Jean-François Parenteau l’a emporté sur la candidate de Projet Montréal et les deux équipes se sont divisé le conseil d’arrondissement et les conseillers de ville, PM sur Terre ferme et Équipe Coderre dans L’Île-des-Sœurs ! A-t-on voté Coderre, Parenteau ou pour le candidat ? Dans la mesure où on a pu voter Coderre ailleurs qu’à la mairie de Montréal, le geste de Parenteau peut être perçu comme une trahison. Encore plus si son association avec l’équipe Coderre qu’il a défendue et bien représentée pendant la campagne a incité les citoyens à voter pour cette dernière.
Une bien petite coalition
Assermenté au dernier rang, certains diront entré par la porte arrière du comité exécutif, le maire « indépendant » de Verdun avait l’air bien seul ce matin. Savait-il qu’il allait assumer seul le ridicule de la situation dans laquelle il s’est retrouvé et le risque d’une coalition qui n’en est pas une véritable? Une coalition digne de ce nom permet la collaboration entre plusieurs entités politiques dans la gouvernance autour de grands principes sans perte d’autonomie de part et d’autre. De telles coalitions ont été réussies (partiellement) sous Gérald Tremblay en 2009 (mieux) sous Michael Applebaum (2012) et Laurent Blanchard (2013) et (pleinement) sous Denis Coderre (2013). La question se pose : pourquoi Valérie Plante n’a-t-elle pas poursuivi dans cette voie ? Une coalition qui n’attire qu’un seul membre des formations d’opposition n’est pas une coalition. On joue sur les mots. On vend de la fumée. Sans compter que le prix à payer pour en faire partie est exorbitant : au minimum (si on en croit notre nouvelle mairesse) quitter le caucus. Autant dire (c’est ce que semble avoir compris Jean-François Parenteau) devenir indépendant.
Si madame Plante n’a pas exigé du maire de Verdun qu’il devienne indépendant, pourquoi alors celui-ci a-t-il choisi de le devenir ? Parce que ce serait plus facile sur le plan local, avec un conseil divisé également qui l’oblige à voter en tant que membre de l’Opposition. Devenu indépendant, son vote serait celui d’un indépendant. Position fort défendable, on en conviendra. Ou alors, rien n’étant surprenant en politique, peut-être a-t-il déjà en tête un éventuel ralliement à Projet Montréal au plus tard à l’élection de 2021 ?
Les orphelins de Coderre
Me viennent à l’esprit les interrogations de ce qui reste de l’équipe Coderre/Parenteau dans Verdun, notamment des nouvelles élues de L’Île-des-Sœurs, Marie-Josée Parent et Véronique Tremblay (Pierre L’Heureux étant déjà un vieux routier). Attirées toutes deux par Denis Coderre, magnifiquement dirigées, il faut le dire, de façon correctement partisane par Jean-François Parenteau, elles doivent avoir aujourd’hui le sentiment bien normal d’avoir été sinon trahies, du moins trompées. Leur chef local fait défection après la défaite de leur général. Pas facile. C’est Projet Montréal qui doit jubiler ce matin dans Verdun. Voilà une victoire bien amère pour les conseillers de L’Île-des-Sœurs…
Puisqu’il faut en parler…
La politique, comme toutes les sphères de l’activité humaine (et peut-être plus) est faite d’ambitions, la plupart légitimes. Ambitions qu’il ne faut jamais sous-estimer puisqu’elles jouent un rôle important dans la vie de chacun. Il ne me revient pas de qualifier celle de mon ami Jean-François Parenteau.
Une chose est certaine. La décision prise par le maire indépendant de Verdun n’est pas de celle que l’on prend à la légère, sur un coup de tête. Elle appartient plutôt à la catégorie des « lignes de carrière », de celles qui déterminent le futur sur une longue période. C’est celle d’un homme ambitieux et dans un sens pressé d’arriver. D’ailleurs, une rumeur persistante, un bouche-à-oreille insistant, des confidences répétées allèguent que Jean-François Parenteau aurait été l’objet d’approches à quelques reprises durant la campagne électorale de la part de Valérie Plante ou de son entourage immédiat. Pas étonnant quand on sait le lien de collaboration qui unit le maire de Verdun à celui du Sud-Ouest, Benoit Dorais, pressenti en fin de campagne pour présider le comité exécutif. Reste à savoir (ce que nous ne saurons sans doute jamais) si Jean-François Parenteau se laissait déjà bercer par le chant de ces sirènes alors que le vent tournait sur Montréal et Verdun…
La ligne du risque
Mon oncle, l’écrivain Pierre Vadeboncoeur a fait publier un livre célèbre en 1963 : La Ligne du risque. Celle-ci, écrivait-il, valait mieux que la ligne de parti. Bien que la ligne du risque de Vadeboncoeur référait à quelque chose d’infiniment plus sérieux qu’un changement de cap au niveau municipal, peut-être a-t-elle inspiré Jean-François Parenteau…